vendredi 12 novembre 2010

Bruno Bettelheim. La Psychanalyse des Contes de Fées...


Portrait de Bruno Bettelheim
(Source Psychonet.fr)

Pendant la guerre, Bruno Bettelheim connut l'expérience des camps de concentration durant environ un an, ayant été déporté aux camps de Dachau puis vers celui de Buchenwald. Cette expérience le marqua profondément et, fort de ses acquis théoriques, il tira de ce traumatisme une étude psychologique intitulée : "Comportement individuel et comportement de masse en situations extrêmes". Ce texte fut d'un tel intérêt que le général Eisenhower fit lire cette étude à tous les officiers de son armée pour les sensibiliser à ces questions.


Il émigre aux Etats-Unis en 1939, alors que la guerre éclate en Europe. Il arrive à Chicago où il va enseigner la Psychiatrie et la Psychologie dans le milieu universitaire. C'est alors qu'il va être amené à diriger à partir de 1944 un des instituts de l'Université de Chicago : l'Institut Sonia Shankman. Plus tard, cet institut deviendra la célèbre Ecole orthogénique de Chicago, centre d'accueil pour enfants autistes ou atteints d'autres troubles graves de la personnalité. Bettelheim y développe un accueil chaleureux des enfants, invitant ses équipes soignantes à leur proposer une entière disponibilité, une relation thérapeutique emprunte d'affection autour d'un réel désir de donner à ces enfants la possibilité de se remettre en contact avec le monde.
Cet accueil va durer pendant près d'une trentaine d'années, et tout au long de cette expérience, Bettelheim rédigera de nombreux ouvrages, visant principalement à mieux faire connaître le monde de l'autisme. 

Puis, il quitte Chicago pour aller s'installer sur la côte ouest des Etats-Unis et se consacre à l'étude des rapports mère-enfant. Il rédige son célèbre ouvrage sur La Psychanalyse des contes de fées, y expliquant comment, à travers des contes racontés de générations en générations, les enfants peuvent trouver un espace d'apprentissage de leurs conflits psychiques et de leurs issues.

Vers la fin de sa vie, Bruno Bettelheim réalisa une série d'émissions télévisées, visant à informer et sensibiliser le public aux différentes problématiques qu'il a pu étudier tout au long de sa vie : autisme, enfants des Kibboutz, les contes de fées et surtout, l'accueil et la prise en charge des enfants en détresse psychique. Ces émissions ont ainsi largement contribué à mieux faire connaître l'oeuvre et les idées de ce thérapeute au grand coeur, qui décédera en 1990.
Extrait:

Le Petit Chaperon rouge de Perrault perd beaucoup de son charme parce qu'il est trop évident que le loup du conte n'est pas un animal carnassier, mais une métaphore qui ne laisse pas grand-chose à l'imagination de l'auditeur.

Cet excès de simplification, joint à une moralité exprimée sans ambages, fait de cette histoire, qui aurait pu être un véritable conte de fées, un conte de mise en garde qui énonce absolument tout. L'imagination de l'auditeur ne peut donc pas s'employer à lui trouver un sens personnel. Prisonnier d'une interprétation rationnelle du dessein de l'histoire, Perrault s'évertue à s'exprimer de la façon la plus explicite. Par exemple, quand le petit Chaperon rouge se déshabille et rejoint le loup dans le lit, et que le loup lui dit que ses grands bras sont faits pour mieux l'embrasser, rien n'est laissé à l'imagination. Comme la fillette, en réponse à cette tentative de séduction directe et évidente, n'esquisse pas le moindre mouvement de fuite ou de résistance, on peut croire qu'elle est idiote ou qu'elle désire être séduite. Dans les deux cas, elle n'est certainement pas un personnage auquel on aurait envie de s'identifier. De tels détails, au lieu de présenter l'héroïne telle qu'elle est (une petite fille naïve, séduisante, qui est incitée à négliger les avertissements de sa mère et qui s'amuse innocemment, en toute bonne foi), lui donnent toute l'apparence d'une femme déchue.

On supprime toute la valeur du conte de fées si on précise à l'enfant le sens qu'il doit avoir pour lui. Perrault fait pire que cela : il assène ses arguments. Le bon conte de fées a plusieurs niveaux de signification. Seul l'enfant peut découvrir la signification qui peut lui apporter quelque chose sur le moment. Plus tard, en grandissant, il découvre d'autres aspects des contes qu'il connaît bien et en tire la conviction que sa faculté de comprendre a mûri, puisque les mêmes contes prennent plus de sens pour lui. Cela ne peut se produire que si on n'a pas dit à l'enfant, de façon didactique, ce que l'histoire est censée signifier. En découvrant lui-même le sens caché des contes, l'enfant crée quelque chose, au lieu de subir une influence.



Extrait de Psychanalyse des Contes de fées. Robert Laffont, 1976.

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