mercredi 25 août 2010

La Clamousa (La pleureuse) Isabelle Pozzi


C'était une famille pauvre mais nombreuse comme cela arrive souvent. Il y avait la grand-mère, morceau de bois sec mais qui s'accrochait encore bien à la vie. Bien sûr le poids des ans lui interdisait les travaux des champs, mais à la maison elle rendait de grands services et allégeait le travail de la mère. Il y avait la mère, belle et jeune encore. Elle vendait le fruit du travail du père sur les marchés. Il y avait le père, lui travaillait aux champs et rempaillait les jours de foire. Et puis il y avait les enfants, dix en tout. Les plus petits aidaient à la ferme comme ils le pouvaient, ils cassaient plus d'oeufs qu'ils n'en rapportaient mais ils étaient toujours de bonne volonté. Et puis il y avait Guilhem, l'aîné. Le travail de Guilhem, c'était de monter les moutons à l'estive à la belle saison, de les garder durant tout l'été et de les redescendre à la ferme une fois l'hiver annoncé.

Tout l’été, c’est vite dit. Mais quand on a tout juste onze ans et qu’on est seul à l’estive avec ses moutons, tout l’été, c’est long! Alors, pour faire passer le temps quand il traînait la patte, Guilhem avait pris l’habitude de prendre des morceaux de bois assez gros, assez épais et de les sculpter, patiemment, des heures durant. Quand il avait fini, le morceau de bois s’était transformé en bonhomme ou en bonne femme. Ces personnages qu’il créait lui tenaient compagnie dans son abri de pierres où il les disposait bien en rond, adossés au mur tout autour de lui, et protégé par ces totems personnels, il s’endormait paisiblement à la nuit tombée. Mais à force d’en sculpter, il se retrouvait parfois à l’étroit sous son abri. Alors ces jours là, il les regardait tous un par un, les examinait et il ne gardait avec lui que ceux auxquels il tenait, ceux qu’il trouvait les plus réussis. Les autres, ils les prenait et allait les jeter dans un trou qu’il connaissait, là bas, tout au bout de l’estive.

La suite de ce conte d'Isabelle Pozzi 
dans le spectacle "Contes sous le figuier"...

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